Héliogabale | |
Empereur romain | |
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![]() Buste d'Héliogabale, musée du Capitole. |
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Règne | |
juin 218 – 11 mars 222 (~4 ans) | |
Période | Sévères |
Précédé par | Macrin et Diaduménien |
Suivi de | Sévère Alexandre |
Biographie | |
Nom de naissance | Varius Avitus Bassianus |
Naissance | v. 203 - Émèse (Syrie) |
Décès | 11 mars 222 (~19 ans) - Rome |
Père | Sextus Varius Marcellus |
Mère | Julia Soaemias Bassiana |
Épouse | (1) Julia Paula (219 - 220) (2) Julia Severa (220 - 221) (3) Annia Faustina (221) (2) Julia Severa (221) |
Liste des empereurs romains | |
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Héliogabale ou Élagabal (Varius Avitus Bassianus) (v. 203 - 11 mars 222) est empereur romain de 218 à 222 sous le nom de Marcus Aurelius Antoninus.
Il nait, vers 203, à Émèse, en Syrie. C'est le fils de Julia Soemias et de Varius Marcellus. Par sa mère, il est l'arrière-petit-fils de Julius Bassianus d'Émèse, le petit-neveu par alliance de l'empereur Septime Sévère, qui avait épousé sa grand-tante Julia Domna en secondes noces, et le neveu de Caracalla. Les femmes, qu'on appelait « les princesses syriennes », sont indissociables du destin d'Héliogabale.
Descendant des Bassianides, une grande famille d'Émèse, Varius Avitus Bassianus était à treize ans grand-prêtre du dieu Élagabal.
Lorsque Caracalla est assassiné, le 8 avril 217, à la tête des armées dans une plaine voisine de l'Euphrate, toutes les femmes de la branche syrienne de la famille impériale, chassées de Rome, se replient dans leur fief d'Émèse. Il y avait là Julia Mæsa, sa grand-mère, Julia Soaemias, sa mère et Julia Mamaea, sa tante et mère du futur empereur Alexandre Sévère. Elles réussissent à convaincre l'armée de proclamer Varius, en raison de sa ressemblance physique avec Caracalla, empereur sous le nom de Marcus Aurelius Antoninus, nom déjà abusivement porté par Caracalla : « [il] s’était arrogé le nom d’Antonin, soit comme une preuve qu’il était issu de cette famille, soit parce qu’il savait que ce nom était tellement cher aux peuples[1]. »
L'empereur Macrin, resté à Antioche, fut pris de court. Piteux stratège, et ayant dressé l'armée contre lui, il fut défait et finalement assassiné en juin 218 : le jeune Varius se retrouvait le seul maître de tout l'Empire romain. Il avait quatorze ans.
Si l'on examine soigneusement les récits rapportés par les historiens antiques, on en arrivera à la conclusion qu'il est, en réalité, plus dispendieux que cruel et plus extravagant que vraiment méchant ; ses biographes, partiaux, ont en effet fortement exagéré ses vices. Ces écrivains antiques, en racontant sa vie, se montrèrent plus moralistes qu'historiens. Par des descriptions violemment contrastées, ils opposèrent un empereur qu'ils voulaient totalement pervers à son cousin et successeur, Alexandre Sévère, qu'ils présentaient, avec tout autant d'exagération, comme le parangon de toutes les vertus.
Héliogabale laissa les rênes du gouvernement à sa grand-mère, Julia Maesa, et à sa mère, Julia Soaemias : « Il fut tellement dévoué à Semiamira sa mère, qu’il ne fit rien dans la république sans la consulter[1]. » Ce fut cette emprise féminine, plus que la superstition de l'empereur, ses caprices puérils, ses dépenses inconsidérées, qui horripilèrent les « vieux Romains » et précipitèrent sa chute. L’ambition de sa mère semble si dévorante qu’elle manque de prudence face aux lois romaines qui relèguent les femmes à l’arrière-plan ; elle impose même sa présence au Sénat. Ce détail, par dessus tout, choque les contemporains : « lors de la première assemblée du sénat, il fit demander sa mère. À son arrivée elle fut appelée à prendre place à côté des consuls, elle prit part à la signature, c’est-à-dire qu’elle fut témoin de la rédaction du sénatus-consulte : de tous les empereurs il est le seul sous le règne duquel une femme, avec le titre de clarissime, eut accès au sénat pour tenir la place d’un homme[1]. »
Héliogabale prend la route de Rome avec une procession qui transporte une pierre noire tombée du ciel sur un char d'or tiré par des chevaux blancs, qu'il conduit à reculons jusqu'au Palatin atteint durant l'été 219[2]. « Il fit construire et consacra à Héliogabale un temple sur le mont Palatin auprès du palais impérial ; il y fit transporter tous les objets de la vénération des Romains : la statue de Junon, le feu de Vesta, le Palladium et les boucliers sacrés. [...] Il disait en outre que les religions des Juifs et des Samaritains, ainsi que le culte du Christ, seraient transportés en ce lieu, pour que les mystères de toutes les croyances fussent réunis dans le sacerdoce d’Héliogabale[1]. » Les religions nouvelles d'Isis, de Sérapis, ou de Cybèle, de Mithra ou des Chrétiens avaient leurs adorateurs à Rome, sans menacer pour autant le vieux panthéon romain. Mais Héliogabale semble vouloir imposer son dieu comme unique, au-delà de son assimilation à Jupiter. Les Romains furent scandalisés lorsqu'il enleva la grande Vestale Aquilia Severa pour l'épouser, en désir de syncrétisme symbolique, « pour que naissent des enfants divins », dira-t-il au Sénat. Mais, peu porté sur la gent féminine, Héliogabale ne la touchera jamais et s'en séparera rapidement[3]. Ensuite, ses « mariages » homosexuels, notamment avec deux « colosses » grecs prénommés Hiéroclès et Zotikos, vont choquer les historiens romains[4]. La fin de son règne le verra tout occupé à célébrer publiquement des orgies homosexuelles avec des prostitués mâles (exolètes) recrutés pour l'occasion, à en croire l'Histoire Auguste[5] et Aurélius Victor[6].
Prodigue et démagogue, il offrit des fêtes au cirque et des combats d'animaux, il jeta au peuple des objets précieux. Il recevait, au milieu des histrions et des gitons, des convives à qui il offrait des raffinements de table dignes de Cléopâtre, parfois agrémentés de surprises redoutables, quand les convives se réveillaient de l'orgie dans une cage avec des lions ou des ours (apprivoisés, donc inoffensifs).
Après trois années de règne, Héliogabale bénéficie encore du soutien de l'armée. Il le perd par maladresse. En juillet 221, sa grand-mère, Julia Maesa, pressentant que les vices de son petit-fils finiraient de les perdre lui et sa famille, le convainc d'adopter son cousin Alexianus Bassanius, sous le nom de Sévère Alexandre, et de l'associer au pouvoir avec le titre de « césar ». Ce jeune homme est l’antithèse d'Héliogabale : sévère, avisé, vertueux, patient et sage. Il parvient à se rendre populaire auprès de la seule force qui compte réellement dans l'Empire, l'armée.
Aussi, quand les soldats apprennent qu'Héliogabale cherche à se débarrasser de son cousin et associé, ils commencent à murmurer contre lui. Héliogabale veut faire arrêter les meneurs mais une foule furieuse envahit le palais impérial et massacre l'empereur. Son corps est traîné à travers les rues de Rome, puis la populace tente de jeter le cadavre aux égouts, mais, comme les conduits sont trop étroits, le cadavre de l'empereur est finalement jeté dans le Tibre depuis le pont Æmilius (11 mars 222)[7].
Son cousin, Sévère Alexandre, devient empereur, et la pierre noire retourne à Emèse.
Par son souci de promouvoir un culte unique – en l'occurrence le culte solaire – à un moment où il était nécessaire de restaurer l'unité de l'empire, la politique religieuse d'Héliogabale peut se rapprocher du « césaropapisme », qui sera celle des empereurs païens puis chrétiens du Bas-Empire. D'ailleurs, cinquante ans après, l'empereur Aurélien visera à peu près le même objectif en instituant Sol Invictus comme divinité de l'Empire.
L'empereur Héliogabale laissa les Chrétiens en paix. Il est en effet fort vraisemblable qu'il ait entendu parler de la religion chrétienne dont les disciples étaient nombreux en Syrie ; Anicet, pape de 155 à 166, était comme lui originaire d'Émèse.
On peut noter qu'à l'époque de l'assassinat d'Héliogabale, une émeute populaire antichrétienne est rapportée à Rome, au cours de laquelle l'évêque de Rome Calixte aurait perdu la vie, selon la tradition : écharpé par la foule, il aurait été défenestré, jeté dans un puits puis lapidé[8].
Bien que subissant la damnatio memoriae, Élagabal dont les statues ont été renversées et les dédicaces martelées, est connu par un ensemble de représentations ou de dédicaces qui ont échappé à cette entreprise d'effacement de la mémoire :
Bien que court, son règne est marqué par la dédicace que les habitants de Lugdunum (aujourd'hui Lyon) lui accordent dans le sanctuaire fédéral des trois Gaules. Un bloc de pierre, retrouvé lors de la destruction du pont de la Guillotière à Lyon, mesurant 57 cm x 180 cm x 55 cm, donne une inscription restituée par les archéologues Amable Audin et Pierre Wuilleumier :
« [I]mp(eratori) Caes(ari), div[i] / Antonioni Magn[i / fi]l(io), divi Sever(i) n[ep(oti), / [M(arco)] Aurel(io) Anton[i/no] / Pio Felici, Aug(usto), / [pont]if(ici) max(imo), trib(unicia) p[ot(estate) / I[II, co(n)s(uli) III; proco(n)s(uli), pa/tri patriae, / [c] ives RomaniinTri/[b]us Provinci(is)Galli(i)s / [c] onsistentes public(e) / posuerunt, curantib(us / allectis isdemq(ue) sum/[m]is curatoribus Iulio / [S]aturnino prov(inciae) Lugud(unensis) / [...]ilio Sabino provinc(iae / [Belgic]ae, Aventinio Veris/ [simo pr]ovinci(iae) Aquitanic(ae)[9]. »
« À l'empereur César Marc Aurèle Antonin, fils d'Antonin le Grand divinisé, petit-fils du divin Sévère, pieux, heureux, auguste, grand pontife, revêtu de la 3e puissance tribunitienne, consul pour la 3e fois, proconsul, père de la patrie, les citoyens romains résidant dans les trois provinces de Gaule, ont élevé (cette statue) officiellement, par les soins des allecti et à la fois summi curatores, Julius Saturnius de la province de Lyonnaise, … ilius Sabinus, de la province de Belgique, Aventinius Verissimus, de la province d'Aquitaine[10]. »
Probablement datée des années 220-221, la dédicace mentionne l'existence d'un organisme fédéral qui participe au culte impérial du sanctuaire des Trois Gaules. Les fonds de cette association sont gérés par les allecti, également summi curatores. Les provinces sont énumérées dans leur ordre hiérarchique : Lyonnaise, Belgique, Aquitaine[11].
Le cabinet des médailles de Paris possède un camée représentant Héliogabale nu, se présentant dans de « triomphantes dispositions intimes », sur un char tiré par quatre femmes nues et à quatre pattes. L'Histoire Auguste mentionne le fait dont les historiens pensaient qu'il était grandement exagéré. Ce camée donne foi aux rites naturistes et orgiaques qui se déroulaient au cours du culte du Dieu solaire instauré par l'Empereur où les ébats sexuels semblent avoir tenu une grande place[12].
La vie d'Héliogabale a notamment inspiré les artistes du mouvement décadent de la fin du XIXe siècle. L'idée que l'on a pu se faire de sa personnalité a pu servir de support aux œuvres suivantes :